LE TRAVAIL

Au moment où l’agitation sociale en France, liée notamment au problèmes des retraites, aggrave la crise économique, France-Valeurs juge nécessaire de lancer une réflexion sur le « Travail » considéré comme une Valeur en soi.

Nous regrettons que tout ce que sous tend la trilogie « Travail, Famille, Patrie  » ait été balayé en 1944 comme entaché d’une atmosphère de défaite et de « Collaboration ». De notre point de vue, en effet, le travail est indissociable d’autres Valeurs humaines fondamentales, au même titre que, par exemple, le courage, la responsabilité et le sens de l’honneur, le civisme et l’attachement à la famille et à la Patrie.

La notion de Travail est complexe et souvent ambivalente. ( Il n’est d’ailleurs que de regarder l’étymologie du mot qui est, en soi, tout un programme. Il vient de trepalium qui signifie instrument de torture… )

      Pour l’explorer, nous nous efforcerons d’abord de cerner le sujet en expliquant ses différents aspects.
      Nous soulignerons ensuite la crise actuelle du travail dans notre société.
      Nous lancerons enfin quelques pistes de réflexion sur la formation des jeunes au respect du travail et au sens de l’effort, cet aspect de l’éducation étant inséparable de la formation de leur esprit, de leur cœur, de leur corps et de leur caractère .

1/ DE QUOI S’AGIT-IL ?

Définitions

Le dictionnaire détaille quelques acceptions du terme :

« Effort, application pour faire une chose »
« Ouvrage qui est à faire « ( Je distribue le travail aux ouvriers… )
« Manière dont un objet est exécuté » ( C’est du beau travail… )
« Occupation rétribuée » ( Je vis de mon travail… )

Ce sont ces aspects là qui nous intéressent ici .
( Pour mémoire , on peut aussi citer le mouvement qui se produit dans les matériaux. ( Ce mur a travaillé… ) et, en mécanique, le produit d’une force par un déplacement

Quelques idées de base

· Le travail est la loi de la vie. C’est un devoir naturel pour l’homme. C’est une nécessité vitale. Il permet aux hommes d’assurer leur subsistance en vertu de la loi divine ancestrale:

« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ».

      C’est aussi un besoin psychologique. Il a des forces à dépenser. Il aime créer et se retrouver dans son œuvre. C’est le besoin d’action plus que la soif du gain qui pousse beaucoup d’hommes à s’investir beaucoup dans leur travail. C’est aussi une obligation morale car l’oisiveté est mère de tous les vices.

En tant qu’activité humaine, le travail est le facteur essentiel de la transformation du monde et de la formation de la civilisation. Travailler, c’est participer à la création continue du monde. Pour les Chrétiens, Dieu nous a laissé une création à l’état brut, imparfaite, et c’est à nous de la parachever.

C’est un aspect majeur de la vie en société: à travers la division du travail, il rappelle aux hommes leur solidarité ( le boulanger travaille pour le garagiste – et inversement).

      · Une raison d’être du travail est de produire les biens et services nécessaires à une vie meilleure.
      · Le travail est aussi une occasion d’échanger avec les autres des biens, des idées, des services et des sentiments.

Le salariat est le mode de travail moderne le plus fréquent. Il exige l’existence et le respect d’un contrat entre employeur et employé.

Cela dit:

      · L’homme est une personne et non une bête de somme. Il ne doit ni être exploité ni s’exploiter lui-même au delà du raisonnable : santé à préserver, famille à garantir

· Le monde moderne voit coexister une grande variété de formes de travail, depuis le labeur de la femme du Tiers Monde qui bine son champ à la houe avec un bébé sur le dos, après avoir été chercher l’eau au puits, jusqu’ à l’activité virtuelle du « trader » qui brasse pourtant des millions de dollars sur Internet…

· Dans les société industrialisées comme la nôtre, la proportion d’hommes et de femmes qui font un travail présumé « intellectuel », notamment de ceux qui sont occupés dans les services, devient majoritaire.

· Certains travaux exigent compétence et initiative et sont a priori épanouissants ( formation des hommes, recherche …) , d’autres sont rebutants et répétitifs ( éboueurs …) A propos des métiers rebutants, Paul Valéry parlait de «  l’infamie des métiers les plus nécessaires : le nettoyage, l’inhumation, les professions de santé… « 

Petit Historique
      Pendant les siècles de l’Antiquité païenne, le travail, symbole d’activité fatigante, a été maudit et réservé aux esclaves. C’est au XVI° siècle que le mot travail est apparu. Auparavant, on disait le labeur.

      C’est le christianisme qui a réhabilité le travail, vu surtout à travers le travail manuel, celui des paysans et des artisans, et celui des moines ( ora et labora ) , sous un triple aspect::

– moyen de dominer la terre et donc de participer à la création continue du monde,

– facteur d’épanouissement personnel du travailleur, au moins de certains d’entre eux et facteur d’insertion de l’individu dans la société.

Et puis, au XIX° siècle, le début du développement industriel ( industries textiles et mines, par exemple ) a généré la formation du prolétariat, considéré par certains comme une nouvelle forme d’esclavage car réduisant les ouvriers au rang de purs instruments de production

En réalité le prolétariat existait déjà mais il était agricole, uniformément répandu, accepté et on ne le voyait pas. La population rurale qui arrivait en ville n’était pas logée. Au XIX° siècle , la misère est devenue visible et le rassemblement urbain a donné à ces populations l’idée et le moyen de protester

En France, les améliorations des conditions de travail et autres manifestations de justice sociale ont été souvent imaginées et mises en œuvre par des patrons chrétiens d’avant garde. Il n’en reste pas moins que beaucoup d’autres ont été souvent arrachées par la lutte.

Partant de cette constatation, les syndicats français, très marxisés, ont souvent pratiqué la surenchère et contribué à détruire l’outil de travail. C’est ainsi, par exemple et parmi d’autres abus, que l’activité des ports français a été compromise, sinon sabotée, par l’action néfaste des syndicats de dockers…

2/ LA CRISE DU TRAVAIL

§ D’un côté
· Tout se passe comme si le travail était dévalué en tant que Valeur.
Cela est dû à la fois:
– à la technique qui a, heureusement, allégé la peine des hommes, via notamment la mécanisation et l’informatique, mais les a éloignés de la nature, donc leur a fait perdre de vue les aspects positifs du travail…
    Au XIXe, la peine du travail était surtout musculaire. Aujourd’hui, les machines ont soulagé cette peine mais lui ont substitué la surcharge du système nerveux. Depuis 1970, le nombre de dépressifs en France a été multiplié par 6.
– à l’idéologie marxiste qui soutient que le travail est l’exploitation de l’homme par l’homme et qu’il s’agit d’un mal qu’il faut réduire, d’où la retraite à 60 ans et la semaine de 35 H

Par ailleurs, les entreprises ne font sans doute pas ce qu’il faut pour anoblir le travail. Les chefs du personnel sont maintenant appelés DRH ( directeurs des ressources humaines ) mais l’expression « ressources humaines  » a quelque chose de choquant …

– à la vulgarisation ( abusive ? ) de la notion de loisirs qui semble devenir pour certains un but de vie.

– Il en résulte, entre autres, que:

· Le travail manuel est sous-estimé : on manque partout de main d’oeuvre qualifiée, y compris chez les artisans. Quant aux métiers pénibles, ils ne sont plus guère accomplis que par des immigrés.

· Les gens semblent vouloir travailler de moins en moins. Cela est dû à diverses causes, notamment à des mesures qui partaient initialement d’une idée généreuse mais qui sont dévoyées dans les faits:
-L’Education Nationale contribue à créer de mauvaises habitudes aux jeunes en leur donnant abusivement des vacances. Quant aux étudiants, ils restent plus de 4 mois par an sans cours..
-Beaucoup des filières de l’Enseignement ne permettent pas de trouver un emploi professionnel.
-Née d’une utopie socialiste, celle du partage du travail, la notion de réduction du temps de travail ( RTT ) a eu des effets pervers, non seulement en désorganisant certaines professions ou certains organismes ( hôpitaux ) mais surtout en démobilisant les gens.
– Les arrêts de travail de complaisance constituent l’une des plaies de la Sécu.
– Les subventions du genre RMI sont trop souvent des repoussoirs au travail.
– Les allocations de chômage ne font pas la différence entre le chômeur qui cherche vraiment un emploi et qui accepte de gagner initialement moins pour se remettre dans le coup et celui pour qui l’allocation n’est qu’un complément de ressources s’ajoutant à son travail au noir

§ D’un autre côté:
      Les cadres, notamment, sont exploités au maximum et beaucoup d’entre eux se disent surmenés
      Dans certaines professions ( infirmières …), le dévouement est peut-être également abusivement exploité.

· Le travail au noir et les trafics en tous genres contribuent à dévaloriser encore le travail honnête.

§ Ce qui est souvent considéré comme un droit, le droit au travail, est mis en cause par le chômage. La privation de travail est ressentie comme une atteinte à la dignité des personnes en cause.

§ En revanche, certains droits du travail sont détournés. Le droit de grève est souvent utilisé pour des motifs politiques, ce qui aboutit à perturber gravement la vie de la société.

3/ POUR UNE EDUCATION AU RESPECT DU TRAVAIL et AU SENS DE L’EFFORT

Principe éducatif de base à appliquer, dans la famille et à l’école, chez les enfants tout jeunes:

en finir avec le laxisme, retrouver une certaine rigueur éducative( n’excluant pas la tendresse )

– encourager notamment la discipline de vie,

– inculquer le respect du travail d’autrui ( ne pas salir ce qui a été nettoyé, ne pas casser par plaisir… ) et sanctionner en conséquence les taggeurs et autres saboteurs du bien commun…),

– enseigner en revanche le culte du service gratuit dans la famille

– enseigner le goût de l’effort, y compris par le sport

– montrer que l’école, par le travail scolaire qu’elle impose, est une école de vie…

Principes complémentaires:

· Informer les jeunes, y compris les littéraires et les scientifiques, sur les réalités économiques ( la valeur de l’argent à travers le mal qu’on a à le gagner …)

· Instaurer une expérience de vrai travail en entreprise, y compris de travail manuel, obligatoire pour tous les jeunes, notamment plus les plus brillants : ENA, X, HEC, futurs enseignants …

(En ce qui me concerne , j’ai été profondément marqué par mon expérience d’ouvrier agricole pendant l’Occupation , puis par celle de chef d’équipe de bûcherons pendant 8 mois aux Chantiers de Jeunesse .Par opposition , j’entends parler de stages ouvriers pour certains étudiants ( y compris les St Cyriens ) qui sont en fait des stages – bidons. )

· Réhabiliter le travail manuel ; développer les filières de formation correspondantes et encourager des jeunes de qualité à les suivre.
Montrer par exemple qu’un plombier a une vie plus intéressante et plus rémunératrice qu’un fonctionnaire subalterne.

· Enfin et surtout enseigner une vraie philosophie du travail

Tout en faisant comprendre aux jeunes ( et aux adultes) :

– qu’il faut travailler pour gagner sa vie.
       – que le travail est noble et ennoblit celui qui l’accomplit.
       – que le travail difficile fait en commun crée des liens ( la camaraderie de la mine et de l’atelier .

       – Qu’en France même, certains métiers ne sont pas gratifiants …
( encore que ce soit une notion toute relative… car, deux ouvriers étant côte à côte, l’un dit: « Je casse des pierres » et l’autre :  » Je fais une cathédrale »… )
       – mais que le travail en France et en Europe est un « paradis » par rapport aux fabriques de tapis ( et autres ) du Tiers Monde et aux bagnes de production, chinois et autres, où les ouvriers venus de la campagne sont quasi militarisés , logés à l’usine où les horaires sont bien supérieurs à 35 H…

      – Alors que d’autres sont passionnants.
( Certains trouvent même qu’il n’y a guère que le travail qui soit vraiment amusant dans la vie ! )

     – Mais même quand on fait un travail inintéressant, il est possible de chercher son épanouissement ailleurs, dans sa famille , dans sa chorale ou dans son jardin … ou les 3 à la fois…

· Cela dit, une vraie philosophie du temps libre s’impose aussi.
L’avènement du temps libre est un phénomène récent qui a rapidement progressé comme l’indique le tableau ci-dessous:

En 1800En 1900En 1986
L’espérance de vie était de
dontpour le temps physiologique
( sommeil , repas …) équivalent de :
pour le travail
pour les transports et déplacements
pour l’enfance et la scolarité
temps libre d’adulte
36 ans


15 ans
11 ans
  2 ans
  5 ans
  3 ans
50 ans


22 ans
12 ans
  3 ans
  7 ans
  6 ans
72 ans


31 ans
  8 ans
  6 ans
  8 ans
19 ans

L’écart est encore bien plus grand aujourd’hui.

L’allongement de la durée de vie et la longueur de la retraite impliquent que les gens se préparent à une deuxième vie qu’ils se doivent de rendre féconde pour qu’elle soit heureuse.

Conclusion

Il faut apprendre aux jeunes , d’une part, à travailler,

Et , d’autre part, à faire de leurs loisirs quelque chose de valorisant et d’équilibrant.