Après avoir traité du courage, abordons LA RESPONSABILITE.
Nous la présentons surtout comme corollaire de la liberté.
Nous nous efforcerons d’abord de cerner le sujet en expliquant les différents aspects de la responsabilité (vis à vis de soi, de l’autre et des autres…)
Puis nous montrerons que la crise actuelle de notre société provoque notamment la perte générale du sens de la responsabilité, d’ou la nécessité vitale de réagir.
Nous lancerons enfin quelques pistes de réflexion sur l’éducation des jeunes à la responsabilité, complément nécessaire de leur initiation à la liberté.
1/ DE QUOI S’AGIT-IL ?
– Une maman demande à son aîné de conduire le petit à l’école et lui dit: » tu en es responsable! »
– Michel vient d’avoir un accident; il est dans son tort car il a commis une imprudence; il est considéré comme responsable. De même si un tuyau éclate chez lui alors qu’il n’y peut rien
– Un dirigeant d’entreprise est mis en examen pour abus de biens sociaux; celui qui exerce l’autorité est, plus qu’un autre, responsable de ses actes…
– On a du mal à trouver des responsables pour diriger les associations…
– En Côte d’Ivoire, le Général X a eu une attitude responsable…
Ces différents exemples permettent de cerner les différentes acceptions du concept de responsabilité (en latin respondere = répondre
). D’une façon générale : « c’est L’obligation de répondre de ses actes, car nos actes nous suivent.«
Le Petit Robert en énumère plusieurs aspects :
– Responsable: qui doit, de par la loi, répondre des dommages qu’il a causés et les réparer (responsabilité civile et responsabilité pénale, le cas échéant
)
– Responsable: celui qui doit, en vertu de la morale I rendre compte de ses actes ou de ceux d’autrui. (Ainsi les parents sont responsables de leurs enfants mineurs.
)
– Responsable: celui qui est la cause volontaire et consciente de quelque chose en porte la responsabilité morale (à commencer par la paternité d’un enfant)
– Responsable: celui qui est chargé d’une mission ou d’une tâche, en tant que chef qui prend les décisions, doit en répondre devant celui qui lui a confié cette charge.
– Etre responsable, dans un sens un peu différent, c’est agir en exerçant la vertu de prudence, attitude d’esprit de celui qui, réfléchissant à la portée et aux conséquences de ses actes, prend ses dispositions pour éviter les erreurs et les sources de dommages potentiels.
DIFFERENTES FORMES DE RESPONSABILITE
La responsabilité s’exerce à trois niveaux :
§ Vis à vis de soi même
« Vous aussi humains, il vous arrive d’être les artisans de votre propre perte » (Esope )
Chacun de nous comprend facilement qu’il est le premier responsable de son corps, d’où l’importance de l’hygiène personnelle, de l’attention à porter non seulement à la nourriture mais aussi aux abus de tabac et d’alcool ainsi qu’à la pratique raisonnable de l’activité physique, au repos et à la détente.
Mais nous sommes de même responsables de notre esprit que nous devons également exercer et entretenir pour le maintenir en éveil.
Il est moins facile de faire comprendre à certaines personnes leur responsabilité personnelle concernant leur coeur car on s’endurcit facilement, par exemple devant des émissions TV avilissantes…
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(C’est encore plus vrai pour l’âme et Bernanos parle de ces personnes « qui rendent leur âme à Dieu sans même savoir qu’elles en avaient une…« )
§ Vis à vis d’une autre personne qu’on prend en charge d’une manière ou d’une autre.
Cette responsabilité est facilement démontrable dans le domaine sexuel du fait des conséquence directes de l’acte (dans le domaine de la transmission de la vie ou, hélas , de celle d’une maladie…)
Dans le domaine affectif, l’ouverture à la responsabilité est plus délicate mais aussi importante car on ne compte pas les traumatismes créés chez des adultes ou des jeunes soi-disant libérés par le fait d’avoir été largués par leur copain (ou copine )
De tels chocs peuvent conduire au suicide, 1° cause de mortalité des jeunes Français d’aujourd’hui…
« Tu m’as apprivoisé, dit le renard au Petit Prince de Saint Exupéry, donc tu es devenu responsable de moi« . . .
Dans cet esprit, persuadons les jeunes que nous sommes responsables de ceux que nous avons « apprivoisés », et d’autant plus responsables que nous avons davantage de liens affectifs avec eux. Un écolier est déjà susceptible de discerner chez un camarade de classe une tendance à la fugue ou à la drogue pour la combattre. A plus forte raison s’il s’agit d’un(e) vrai(e) ami(e).
Dans ce domaine qui est parfois celui de l’assistance à personnes en danger, l’exercice de la responsabilité peut donc commencer très jeune, donc être encouragé par les éducateurs avec les réserves nécessaires.
§ Paternité et maternité responsables
Ce qui est déjà vrai pour l’écolier vis à vis de son camarade l’est à plus forte raison pour des parents potentiels: c’est pourquoi il faut éclairer les jeunes sur leurs responsabilités liées à la transmission de la vie. Or, c’est un fait que l’ambiance actuelle aboutit à un découplage entre la pratique sexuelle et la conscience de ses responsabilités; d’où, entre autres, les drames de l’avortement, les difficultés de tant de mères célibataires et les échecs de tant de familles où les parents ne se comportent pas en responsables de la vie et de l’éducation de leurs enfants.
§ Vis à vis d’une collectivité qu’on a en charge
Il s’agit d’abord de faire tourner la boutique ce qui suppose déjà une vision professionnelle élevée de la responsabilité.
Il s’agit aussi et surtout d’aider chacun des hommes et des femmes qu’on a charge à se réaliser et à s’épanouir, ce qui est beaucoup plus difficile.
« Un chef, c’est celui qui, disposant de certains moyens et d’un certain nombre d’hommes, doit rendre ces hommes capables d’utiliser ces moyens pour remplir la mission, individuellement (problème de compétence) et collectivement (problème de cohésion) et qui doit être capable, en outre, de leur donner le supplément d’âme qui les emportera et qui s’appelle la conviction. (D .Chavanat : « Réflagir « )
Cette conception de l’autorité est applicable à toutes les situations .
Aider les hommes et les femmes à s’épanouir, c’est aussi confier à chacun des responsabilités à sa mesure car les responsabilités ça vous grandit ! «
Cela implique non seulement de ne pas faire de la rétention de responsabilité ni de créer artificiellement des responsabilités nouvelles mais de déléguer largement des portions de sa responsabilité, selon le principe de subsidiarité (que chacun fasse ce qu’il peut faire, et faire bien).
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– Cela dit, être responsable, c’est accepter un risque, c’est s’exposer, c’est donc avoir un minimum de confiance en soi, ce qui suppose que quelqu’un vous ait dit (fût-ce implicitement)
: « j’ai confiance en toi! »
– Dans ces conditions, répétons le, « être responsable, ça vous grandit ! » , d’où l’intérêt d’exercer des responsabilités et, pour cela , de les rechercher, sans viser pour autant le pouvoir en tant que tel…
Car les responsabilités, c’est comme la chance, « ça ne vous tombe pas tout cuit dans le bec ! », « les responsabilités. ça se ramasse !« … Il faut donc vouloir les assumer.
– Encore faut-il qu’elles ne vous écrasent pas. Les militaires pratiquent à cet égard l’apprentissage progressif de la responsabilité. Nul ne peut commander un régiment autour de 40 ans, s’il n’a d’abord commandé une section à 22 ans, puis une compagnie à 30. Cette progressivité parait essentielle dans tous les cas de figure…
Liberté et responsabilité »Cette liberté, il ne faut pas l’envisager comme un pouvoir métaphysique de la nature humaine, et ce n’est pas non plus la licence de faire ce qu’on veut, ni je ne sais quel refuge intérieur qui nous resterait jusque dans les chaînes. On ne fait pas ce qu’on veut , et pourtant, on est responsable de ce qu’on fait. Voilà les faits » ( JP. Sartre.)
La responsabilité découle de la liberté de l’homme qui peut choisir d’agir de telle ou telle manière. Car pour choisir, il faut d’abord comparer entre les choses entre lesquelles on a à choisir, donc les connaître, puis décider de son choix, enfin exécuter la décision en toute connaissance de cause. C’est un acte dans lequel l’intelligence et la volonté entrent en jeu. Et puisque la décision finale est libre (le sujet en effet aurait pu choisir autre chose)
, il est normal qu’il ait à répondre d’un acte qu’il a librement exécuté. L’homme n’est donc responsable que parce qu’il est libre. (Un acte exécuté sous la contrainte ne peut entraîner de responsabilité.
) Il doit donc assumer les conséquences de ses actes. La responsabilité est ainsi le corollaire de la liberté.
Vis à vis de soi-même, chacun est libre de choisir le mode de vie qui lui convient; c’est une affaire entre lui et sa conscience (entre lui et Dieu s’il est croyant
) , à condition que ce comportement n’engage que lui, et lui seul.
Mais l’homme n’est pas un être isolé: il vit dans un cadre social. Dans sa famille, le père a des responsabilités vis à vis de sa femme, de ses enfants et de ses parents. De même pour l’épouse. La vie familiale repose sur un enchevêtrement de responsabilités dont le respect permet de resserrer les liens familiaux.
Dans le cadre de la vie de la Cité, le législateur a établi un code: les infractions à la loi sont punies et différentes formes de responsabilité sont envisagées: morale, civile et pénale.
Cette dernière concerne les dommages prévus par la Loi avec appréciation de la part de responsabilité par la Justice. (Cette appréciation, évidemment difficile , détermine la peine…
)
Toujours dans le cadre de la vie sociale, chaque citoyen a des devoirs vis à vis de ses voisins, de sa ville, de sa patrie, et une autorité ne s’exprime légitimement que si le responsable travaille pour le bien commun.
Edouard Herriot a écrit à la fin de sa vie ces lignes d’une brûlante actualité :
« Ce fût une erreur grave de la démocratie de croire qu’il était bon pour elle de se confier à des gouvernements faibles, accessibles aux influences, complaisants pour les particularismes sans cesse en variation. L’intérêt bien compris de la liberté veut qu’il se trouve, au sein du pouvoir, des hommes assez préparés à leur devoir pour le comprendre, assez fiers pour opposer aux assauts de l’opinion une volonté claire et forte, exigeant l’autorité, acceptant la responsabilité. »
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Un de ses commentateurs ajoute : « La discipline sociale fabrique de la liberté. Elle fabrique aussi de la responsabilité, par rapport à la Patrie, au gouvernement et à l’entreprise.
Nous n’avons pas encore l’expérience d’une société dans laquelle les hommes n’auront pas été impliqués dès l’enfance dans l’idée d’effort et de responsabilité. Mais cette société d’assistés et d’irresponsables est envisageable aujourd’hui. C’est pourquoi la responsabilité doit faire l’objet de soins attentifs de la part des pouvoirs publics qui ont à se substituer à la carence de l’éducation familiale dans ce domaine. L’école, le service militaire et la télévision devraient prendre le relais et développer cette notion indispensable à la formation du citoyen et à l’harmonie des sociétés. C’est pourquoi l’éducation à la responsabilité est l’un des objectifs majeurs des écoles de formation des cadres dans tous les pays. »
2/ LA CRISE DE LA RESPONSABlLITE
En contrepoint avec ce qui vient d’être dit et sachant que, depuis Adam et Eve, chacun de nous a tendance à dire dès son jeune âge: « C’ est pas d’ma faute ! « , la crise de la société actuelle comporte un affadissement généralisé du sens de la responsabilité.
C’est évident sur le plan matériel puisqu’on retrouve souvent son auto emboutie au parking sans carte sur le pare brise. C’est moins facile à mettre en évidence au plan moral… et pourtant :
– Le drame de la transmission du SIDA permet, hélas, d’en illustrer plusieurs aspects.
Le film à succès « Les nuits fauves « , basé sur un fait réel, montrait la responsabilité formidable de personnes qui se savent contaminées et qui se comportent comme de véritables assassins vis à vis de leurs partenaires.
Dans le même temps, des personnages publics, responsables mais pas coupables rendaient indirectement possible la transmission du fléau par le sang contaminé.
Mais tout aussi fautives semblent ces diverses autorités soi-disant chargées de prévenir l’extension du SIDA qui se bornent à brandir le préservatif et à réclamer de l’argent public, tout en continuant à banaliser les déviances sexuelles dans l’opinion. Trop peu nombreuses, en revanche, sont les voix qui évoquent comme il le faudrait Ia responsabilité personnelle de chacun et la nécessité de contrôler son corps et qui exaltent ces notions toutes simples que sont le vrai amour et la fidélité.
– Au niveau national, et même si la recherche de l’enrichissement personnel semble rare, les affaires en cours montrent que des hommes en vue ont eu tendance à oublier leurs responsabilités en confondant servir et « se servir« …
– A l’échelon familial, beaucoup de parents qui divorcent au nom du Il faut que j’m’éclate ne mesurent pas assez les perturbations psychologiques que leur séparation va causer chez leurs enfants. Ils manquent ainsi à leurs responsabilités parentales.
De même, à un moindre degré, ceux qui laissent leurs enfants seuls pendant de longs moments face à la tentation de la drogue, de l’alcool ou simplement de la télé…
Certes une sévérité abusive est dangereuse, autant qu’une famille close mais Ie laxisme éducatif représente l’une des plaies de notre société. On le retrouve à l’école où certains enseignants se bornent à transmettre des savoirs en s’interdisant de faire passer en même temps le B-A-BA des règles de vie morale pourtant indispensables à l’équilibre de la vie en société…
– Dans les transports notamment, les grèves à répétition constituent un véritable démenti à la notion même de service public responsable du bien commun: ce sont le usagers qui sont littéralement pris en otage au nom de revendications catégorielles…
– On déplore encore que beaucoup d’hommes et de femmes des médias semblent ignorer leur écrasante responsabilité morale. (Pourtant Sartre lui même disait: « L’écrivain est en situation à son époque; chacune de ses paroles à des retentissements !« )
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A la TV, les producteurs recherchent l’audience à tout prix, à travers le sexe et la violence. Ils exercent, ce faisant, une influence désastreuse sur l’esprit de beaucoup de téléspectateurs.
Dans le même temps, la justice condamne souvent sévèrement les auteurs de crimes et délits sexuels alors qu’il s’agit souvent de sujets fragiles dont les esprits faibles et déréglés ont été empoisonnés par les films et cassettes X qui sont , eux, diffusés en toute liberté.
Il y a là un véritable scandale sur lequel notre société se bouche les yeux…
– La crise s’exerce enfin dans un tout autre domaine, celui du recrutement des bénévoles. Les associations ont ainsi du mal à trouver des hommes et des femmes qui acceptent de prendre des responsabilités. Il en va de même pour les fonctions électives dont la base de recrutement est sans doute trop étroite.
La jeunesse n’échappe pas à la règle. Sauf exceptions remarquables, les candidats ne se bousculent ni pour faire partie du bureau des élèves des grandes écoles ou du bureau des étudiants des facultés, ni pour encadrer les mouvements de jeunesse.
De même, au temps du Service National, certains fils de familles aisées préféraient trop souvent d’obscures « planques » aux fonctions d’officiers de réserve.
3/ L ‘EDUCATION A LA RESPONSABlLITE
Il résulte de ce qui précède :
– d’une part, que la notion de responsabilité est méconnue et dévaluée par rapport à celle de liberté qui est très populaire. Or ces deux notions devraient être inséparables.
– d’autre part, que le sens de la responsabilité n’est pas inné. Il faut l’apprendre comme le reste. L’éducation à la responsabilité est donc complémentaire de celle de la liberté.
Cette éducation se fait d’abord dans la famille, à la maison, à travers l’apprentissage des gestes simples de la vie quotidienne.
– On enseigne d’abord à l’enfant à être responsable de lui même, à se laver les dents , à lacer ses souliers, à traverser la rue…
– On lui apprend aussi progressivement, à se sentir, dans une certaine mesure, responsable des autres, de ceux avec lesquels il est solidaire: en desservant la table, en faisant des courses, en conduisant la petite soeur à l’école…
Cette éducation est complétée à l’école et il faut se réjouir que les nouveaux programmes d’éducation civique veuillent contribuer à former des citoyens responsables(voir Civisme
).
Dans les équipes sportives et les mouvements de jeunesse
Cette formation est utilement complétée dans les équipes sportives. Chacun y apprend à jouer en se sentant responsable du succès de son groupe.
Les mouvements de jeunesse, scoutisme notamment, ont mis au point une pédagogie éducative particulièrement précieuse en initiant progressivement le jeune à ses responsabilités individuelles et collectives. Cela commence par le lavage des gamelles , l’entretien du feu et le montage des tentes pour le « culd’pat » de 10 ans. Cela continue par l’animation d’une patrouille pour le chef de 15 ans en charge de 7 ou 8 personnalités adolescentes différentes. Cela culmine avec la conduite d’un camp pendant 3 semaines pour un chef de troupe de 20 ans investi de larges responsabilités humaines, éducatives, logistiques et financières.
Il nous semble ainsi que, n’en déplaise à ses détracteurs, on a rien inventé de mieux que le scoutisme comme école type de pédagogie sociale…
– Cela dit, LA MEILLEURE ECOLE DE RESPONSABlLITE, C’EST LA VIE QUOTIDIENNE. dans ses dimensions personnelle, familiale, professionnelle et sociale – à condition cependant que, dans tous les domaines, les parents, les professeurs, les cadres d’entreprise, les pouvoirs publics etc… se fassent un devoir de faire découvrir journellement et progressivement la responsabilité aux citoyens et apprentis citoyens qui dépendent d’eux.
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– Soulignons enfin que l’éducation à la responsabilité est inséparable de l’éducation à la liberté, au courage, à l’honneur et à la générosité car un homme est indivisible.
C’est tout l’homme qu’il faut éduquer au départ et dont il faut ensuite entretenir l’éducation.
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CONCLUSION
Les images qui suivent veulent illustrer 7 idées-force qui constituent le trame du message de France-Valeurs sur la responsabilité:
– Nos actes nous suivent.
– La liberté est inséparable de la responsabilité.
– La vie, c’est une série de carrefours. A chaque carrefour, il faut choisir..
– On est responsable de celui qu’on a apprivoisé.
– La responsabilité, ça vous grandit.
– La responsabilité, ça se ramasse.
– La responsabilité, ça s’apprend
et chaque responsabilité vous prépare à la suivante.